الأربعاء، 4 نوفمبر 2009

Violence et incivilité


Extrait d’une étude de 73 pages réalisée par MS. LOTFI SWAB (inspecteur), BACHIR YAZIDI (universitaire) et IMAD BEN HMIDA (professeur)

Education, Diversité et Cohésion Sociale

En Méditerranée Occidentale

Proposition de Cadre Analytique

La Tunisie

I/ Nature des tensions/divisions/fractures sociales qui menacent l’équilibre social en Tunisie :

I-1/ Défi face à la cohésion sociale

A/ Violence et incivilité :

La violence, l’anarchie et la délinquance pourraient être exploitées et instrumentalisées, prendre d’autres significations et avoir des effets très graves.

Quand la violence (des jeunes) atteint un degré élevé, elle exprime quelque chose de très grave et profond : frustration et désillusion qui explosent à la première occasion.

Quelles en sont les causes ?

La première ou du moins celle qui parait la plus déterminante est en rapport avec le chômage.

Il est évident que le meilleur facteur d’intégration sociale est le travail.

Pour un jeune, qui en plus a fait des études qu’il croyait être le plus sûr moyen de promotion sociale, se retrouver au chômage est la pire des situations, d’où la déception puis la colère qui s’exprime par la violence.

Cette violence que nous retrouvons dans notre vie quotidienne, familiale, professionnelle et sociale, et même si elle ne revêt pas toujours un caractère spectaculaire, elle n’en n’est as moins réelle.

On la retrouve à l’école, ce haut lieu en principe du respect et de la décence, où les élèves n’ont plus d’estime pour leurs professeurs qu’ils arrivent même à agresser.

La violence en milieu scolaire : constats et défis

Cette réflexion sur la violence en milieu scolarisé émane d’un double besoin. D’abord, elle répond à une urgence : celle qui consiste à contrer, le plus rapidement, un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur et ce afin de sécuriser l’espace école, réputé être un lieu de savoir et un havre de paix.

En second lieu, s’il est vrai que la violence est quelque part une caractéristique liée au paysage scolaire, il n’en demeure pas moins que sa recrudescence et sa banalisation nous interpellent très vivement.

D’emblée, une précaution s’impose. Il ne s’agit nullement de stigmatiser quiconque car aucune stigmatisation n’est porteuse d’espoir. On comprendra, dès lors, que les réponses apportées à ce thème soient « l’affaire de tous ».

Notre analyse se déroulera en trois temps : décrire, comprendre et réagir.

A-1/ De la nécessité de décrire la violence…

Le phénomène de la violence préoccupe de plus en plus d’acteurs notamment les enseignants, l’administration, les parents, les élèves et toute la société civile.

Elle prend plusieurs formes. Traditionnellement, les principaux acteurs de la violence étaient les adultes. Mais depuis quelques années on assiste à l’apparition d’une forme de violence exercée par les élèves contre les adultes.

a/ Ses formes

- Les châtiments corporels (en voie de disparition)

- Violences physiques (bousculades, actes de vandalisme, bagarres, rackets…)

- Violences verbales (intimidations, menaces, paroles blessantes, propos orduriers, brimades, incivilités)

b/ Identification des auteurs et des victimes

De fait, plusieurs situations sont possibles, bien plus nombreuses qu’il n’apparaît à première vue. Le tableau suivant nous éclaire à ce propos.

Auteur

Victime

Elève

Elève

Elève

Enseignant

Enseignant

Elève

Elève

Administration

Administration

Elève

Parent

Elève

Parent

Enseignant

Parent

Administration

Une analyse du contenu de dossier des élèves traduits devant le conseil de discipline au cours des trois années 2000-2003 en Tunisie effectuée par l’Université de Tunis et présentée lors d’un colloque international en 2005 : « Pour une école du dialogue et du respect »[1] organisé par le Ministère de l’Education et de la Formation a permis d’étudier l’état de violence dans les 24 Directions Régionales du pays. Elle a révélé :

-- l’augmentation du nombre de comportements violents et notamment au cours du deuxième trimestre de l’année scolaire 2001-2002 où on a enregistré une progression du phénomène.

-- La distribution des proportions d’élèves sanctionnés par niveau présente deux pics, à savoir la 8ème année au collège et la 1ère année au lycée, qui correspondent à l’entrée dans l’adolescence pour les collégiens et à un problème d’inadaptation pour les lycéens.

-- L’étude a fait remarquer que ces sanctions sont liées à quatre comportements : violence verbale et physique ; comportements déviants ; fraudes et gêne occasionnée à l’un des membres de la famille éducative.

A partir de 2002-2003, on remarque l’apparition d’un nouveau comportement lié au commerce et à la consommation d’alcool. 58% des élèves sanctionnés appartiennent à la tranche d’âge 15/18 ans. Quant au parcours scolaire des élèves traduits devant le conseil de discipline, il est caractérisé par des difficultés scolaires puisque 75% sont des redoublants dont 55% ont redoublé plus d’une fois et 63% ont une moyenne inférieure à 10/20. 89% des élèves sont issus de milieu social défavorisé et plus de 50% ont un emploi précaire.

Plusieurs types de comportements anti-pédagogiques sont mentionnés dans les dossiers mais le plus souvent (57% des cas) il s’agit d’entrave au bon déroulement des cours et catalogués comme violence verbale (52%), signe d’une déficience communicationnelle.

Les effets de la violence peuvent être synthétisés comme suit :

-Sentiment d’insécurité

-Sentiment d’impuissance

-Sentiment d’injustice

-Sentiment d’indignation

-Perte d’estime de soi.

A moyen terme, on observe les effets suivants :

- Transformation du rapport :

* à soi

* à l’autre

* à son métier (d’élève ou d’enseignant)

* au savoir

* à l’école

A plus long terme

- Echecs, redoublement, abandons, chômage, délinquants potentiels et récupération par des personnes malintentionnées.

La conséquence la plus grave peut être formulée ainsi :

De la non citoyenneté scolaire on débouche sur une non citoyenneté sociale.

A-2/…à la nécessité de comprendre…

On peut distinguer des causes proches et des causes lointaines :

Parmi les causes proches figurent les caractéristiques de l’environnement de l’école qui expliquent en grande partie pourquoi certains établissements sont généralement plus violents que d’autres.

- Carences institutionnelles

L’école apparaît comme un espace dépersonnalisé portant un visage dégradé (locaux inadaptés, manque d’outils pédagogiques, ..), autant dire qu’il s’agit plutôt d’une garderie.

-Gestion administrative et pédagogique :

Fréquence d’heures « trouées » et absence quasi-totale de salles de permanence.

Les rôles des acteurs au sein de l’école sont clairement découpés et chacun œuvre indépendamment de l’autre ;

Elèves et enseignants sont des listes d’individus et administratifs ; le chef de l’établissement est un exécutant administratif et financier ;

Les parents sont tenus à l’écart, leur présence se réduit aux rencontres trimestrielles avec les enseignants ;

Pratiques pédagogiques centrées sur des cours magistraux où l’essentiel pour l’élève sera de restituer des savoirs dont il n’en perçoit ni l’utilité ni le sens ;

Les cours particuliers et leur pouvoir de discrimination génèrent un sentiment d’injustice. Il s’en suit un sentiment de démotivation voire une désaffection. ;

Prolifération des moyens audio-visuels (films violents, banalisation de la violence, sexualisation des images…) ce qui crée un conditionnement auprès de jeunes fragiles et vulnérables générant une confusion fâcheuse entre la réalité, l’imagination et le virtuel.

Impact de l’environnement familial

La conduite antisociale des membres de la famille, le fait de vivre séparé de ses parents, l’alcoolisme, la violence conjugale, tout ceci se manifeste chez les élèves par des comportements agressifs. Il y a, à la source, une déficience communicationnelle. Les parents sont incapables d’offrir une éducation basée sur des relations affectives.

C’est particulièrement dans des écoles situées dans des quartiers défavorisés au plan socio-économique que les manifestations de violence sont les plus fréquents (développements de frustration, de conflits…)

Facteurs historiques et culturels

Ce qui est convenu d’appeler la « transition » entre la tradition et la modernité qui touche aussi bien le monde de l’école que de la famille.

A-3/…en vue de réagir

La lutte contre ce fléau passe nécessairement par une prise de conscience à tous les niveaux de tous les acteurs du système éducatif en vue d’endiguer un phénomène qui ne cesse de ronger les assises de notre société. La violence ne peut être traitée isolément. Faire de l’école un espace protégé et valorisé nécessite à nos yeux les conditions suivantes :

· Protéger l’école de l’environnement extérieur en améliorant les conditions de vie dans les établissements (offrir le soutien matériel et psychopédagogique nécessaire).

· Etablir de nouveaux rapports entre les divers acteurs de l’établissement.

· Remédier à une scolarité « trouée » par des heures creuses passées en dehors des établissements (création de permanences…).

· Instaurer des cellules d’écoute et de dialogue dans les établissements afin de briser le mur de silence (le manque d’assistance psychologique est flagrant dans les établissements scolaires). Dans un lycée, un psychologue recruté (pour le salaire d’un enseignant) peut prendre en charge selon l’expérience en occident, six à huit élèves par jour et pallier une bonne proportion de délinquance juvénile.

· Accorder des crédits à des associations qui peuvent aider et sauver les jeunes.

· Rétablir l’autorité et la discipline à l’école, ce qui ne signifie nullement la domination.

· Mettre l’accent sur la dimension civique de l’école à travers les programmes en rappelant les finalités[2].

· Revaloriser l’enseignement des sciences humaines et des langues pour contrer la dérive « techniciste » d’un enseignement sans enjeu. (donner du sens au savoir).

· Impliquer les parents dans la lutte contre la violence.

· Protéger les élèves contre les ravages occasionnés par un conditionnement nocif de l’image (télé, vidéo…) en leur expliquant les dangers encourus.

· Impliquer les élèves dans des activités créatrices.

Le phénomène de la violence tend à se généraliser, il a des dimensions psychologiques. Les consultations et les enquêtes menées à ce sujet ont montré un désarroi chez les jeunes, un manque de confiance et une indifférence à l’égard de tout ce qui touche à la politique, à la vie associative, au volontariat, tous ces domaines qui étaient l’apanage des jeunes où ils pouvaient donner libre cours à leur générosité et aux valeurs sans lesquelles la jeunesse ne serait plus la jeunesse.

Face à cette situation, la société tunisienne doit réagir et ceci implique la responsabilité de tous.

Les pouvoirs publics qui doivent avant tout parer à tout débordement et en amont adapter les programmes de l’éducation, le discours culturel et celui des médias à ces exigences de prévenir le corps social de ces risques.

Cette action ne peut être bénéfique que dans le cadre de l’ouverture, du respect de la personnalité des jeunes, de leur droit à l’expression libre, critique et démocratique, tant il est clair que seul le débat peut éclairer et canaliser les passions les plus fortes.

Cette action globale relève aussi de la responsabilité des parents, des éducateurs et à un autre niveau des partis politiques, des associations et de la société civile.

Conjuguée aux efforts d’une politique de développement, qui crée des emplois et favorise la promotion sociale, cette action peut aboutir à des résultats, « car ce qui est dramatique, ce n’est pas qu’une société ait des problèmes mais qu’elle les ignore »[3].

Parmi les autres défis et problèmes que la Tunisie connaît, l’extrémisme et essentiellement dans son aspect religieux.

MS. LOTFI SWAB (inspecteur), BACHIR YAZIDI (universitaire) et IMAD BEN HMIDA (professeur)

[1] Ministère de l’Education et de la Formation. CNIPRE. Actes du colloque international : « Pour une école du dialogue et du respect », Tunis, 14-16 avril 2005, UNICEF.

[2] Ce volet de l’éducation fera l’objet d’une recherche ciblée et consolidée par un travail de terrain.

[3] Réalité, n° 1135, p. 6.

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